Dans le cadre du déconfinement, la réouverture progressive des établissements de restauration, des brasseries, des bars et autres débits de boisson s’accompagne de la mise en place d’un certain nombre d’aménagements et de mesures sanitaires qu’il incombe aux responsables de ces établissements de prendre, voire de faire respecter. Or, justement, ces règles ne sont pas toujours respectées, particulièrement par les clients.

Le restaurateur peut-il alors être tenu pour responsable ?

Après une longue période de fermeture administrative, les restaurants, les brasseries et les bars ont rouvert le 2 juin dernier en France à l’exception de la région parisienne, puis le 15 juin s’agissant de cette dernière.

Cette réouverture s’accompagne cependant de plusieurs mesures et de règles sanitaires afin d’éviter la propagation de Covid-19.

Néanmoins, comme l’exposait France Info dernièrement, « Des tables très rapprochées, des clients un peu trop collés-serrés… » , il n’est « pas toujours simple [pour les restaurateurs] de faire respecter toutes les mesures de distanciation physique mises en place pour lutter contre l’épidémie ».

La presse s’est également fait l’écho de plusieurs cas de la fermeture administrative de restaurants qui ne respectaient pas les mesures sanitaires.

Des mairies et ses préfectures menacent également de sévir en prononçant des sanctions à l’égard des établissements, à l’instar de la Préfecture de Corse qui a annoncé dernièrement la convocation de certains établissements pour non-respect du protocole de déconfinement.

Dans ce contexte particulier, les établissements, brasseries et bars doivent donc se montrer particulièrement vigilants.

1) Quelles sont les règles à respecter ? Qui est responsable de leur bon respect ?

D’une façon générale, l’autorisation d’ouverture d’un établissement recevant du public (en particulier les établissements de restauration) – tout comme le maintien de cette autorisation – sont conditionnées au respect de règles générales liées à l’ordre public, la sécurité publique, la santé publique, l’hygiène publique ou encore à la salubrité publique.

A titre d’illustration, un établissement qui accueillerait un nombre de personnes supérieur à sa capacité autorisée ou qui installerait une terrasse en limite des voies de circulation, sans protection des usagers, présente un risque en matière de sécurité publique.

De même, un établissement qui n’entretiendrait pas régulièrement ses locaux pourrait présenter un risque en matière d’hygiène ou de salubrité publique.

En définitive, l’établissement est donc le garant du bon respect de ces règles.

S’agissant du cas particulier de Covid-19, l’article 40 du décret du 31 mai 2020 n°2020-663 prescrivant les mesures générales nécessaires pour faire face à l’épidémie de Covid-19 dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire, prévoit que les restaurants et débits de boisson, notamment, situés en zone verte, ne peuvent accueillir du public que dans le respect des conditions suivantes :
- les personnes accueillies au sein des établissements de restauration doivent avoir une place assise ;
- une même table ne peut pas regrouper plus de 10 personnes venant ensemble (ou ayant réservé ensemble) ;
- une distance minimale d’un mètre entre les tables occupées (sauf si une paroi assure une séparation physique) doit être prévue.

De plus, pour les établissements situés en zone orange (aujourd’hui ceux situés à Mayotte et en Guyane), l’accueil ne peut se faire qu’en terrasse extérieure ou dans des espaces en plein air ou se limiter aux activités de livraison et de vente à emporter.

A cela s’ajoute que le port du masque est imposé, quelle que soit la zone, pour :
- D’une part, le personnel de l’établissement ;
- D’autre part, les personnes accueillies lors de leurs déplacements au sein de l’établissement.

Ces règles sont en outre complétées par celles prévues aux termes du Protocole sanitaire HCR (« Hôtels, Cafés, Restaurants »), élaboré par le Ministère du travail conjointement avec le Groupement National des Indépendants (GNI) Hôtellerie & Restauration en particulier.

Parmi ces règles, on peut notamment souligner :
- La mise à disposition de gel hydroalcoolique à l’entrée de l’établissement ;
- Le port du masque des clients sauf lorsqu’ils sont à table ;
- Le signalement des mesures d’espacement via un affichage, un marquage au sol ou des consignes orales dans chaque zone d’attente (caisse, toilettes) ;
- La présentation des menus est adaptée afin d’éviter les contacts (ardoise, QR code…) ;
- Une table ne peut être servie que par une seule personne en même temps ;
- Le personnel porte un masque et se lave très régulièrement les mains ;
- Une distance d’un mètre doit être assurée entre le personnel et les clients ;
- Un écran de protection doit être installé entre les clients et le barman ;
- Les dispositifs de paiement sans contact doivent être privilégiés.

Ces règles ont donc vocation à s’appliquer à tout établissement de restauration et débits de boisson et il appartient à ces derniers de les respecter, comme de les faire respecter.

Ainsi, à l’instar de certaines situations recensées par la presse, un restaurateur pourrait se voir sanctionner si son personnel ne porterait pas de masques, ou encore si ses tables ne seraient pas effectivement espacées d’un mètre.

Enfin, au-delà de ces règles, certaines villes ont déjà pris des mesures particulières conditionnant l’ouverture des établissements et l’installation (voire l’agrandissement) de leurs terrasses, au respect des règles sanitaires.

C’est le cas particulièrement de la Ville de Paris qui conditionne l’installation de nouvelles terrasses et leur extension au « strict » respect d’engagements en matière de sécurité ou de propreté et au respect des directives sanitaires.

2) Est-ce qu’un restaurateur pourrait être responsable du comportement de sa clientèle ?

Les comportements évoqués ci-dessus, comme une trop grande proximité entre les clients d’une même table ou comme le non-respect des gestes barrières de la part des clients, ne sont pas formellement réglementés.

En pratique, il est même difficile concrètement pour un restaurateur de passer de table en table pour réprimander les clients qui ne respecteraient pas ces règles.

Pour autant, l’Administration en charge des pouvoirs de police – en l’occurrence, la mairie et/ou la Préfecture – pourrait sanctionner les restaurateurs dont l’établissement ne respecterait pas les mesures sanitaires, en raison du comportement de ses clients.

En effet, c’est sur le fondement des règles générales de santé ou de salubrité publique et de leur non-respect que le maire ou le préfet pourrait décider de sanctionner un restaurateur ou un débit de boissons qui ne ferait pas observer les règles de distanciation sociale au sein de son établissement (y compris la terrasse) et plus généralement les règles sanitaires et aménagements imposés.

Le juge administratif a d’ailleurs pu considérer que l’existence d’une atteinte à l’ordre public de nature à justifier la fermeture d’un établissement s’apprécie objectivement, en relation avec la fréquentation de cet établissement, et peut ainsi être remplie «  indépendamment du comportement des responsables de cet établissement  ».

Par exemple, il pourrait être considéré qu’un établissement présente un risque en termes de santé publique ou d’hygiène publique dès lors qu’un regroupement important au sein de son établissement seraient propice à la diffusion du virus ou que ses clients ne respecteraient pas individuellement les règles sanitaires.

Le parallèle peut d’ailleurs être fait avec la responsabilité de l’établissement pour les nuisances sonores causées par sa clientèle aux abords immédiats de celui-ci ou en raison de faits récurrents de violence ou de consommation excessive d’alcool par la clientèle.

La responsabilité de l’établissement pourrait donc être engagée en raison du comportement de ses clients.

3) Que risque un établissement de restauration en cas de non-respect de ces règles, tant par son personnel que par ses clients ?

Le respect des règles sanitaires décrétées en raison de Covid-19 et de celles relatives à la sécurité publique, la santé publique ou la salubrité publique, incombe donc à l’établissement de restauration, aux débits de boisson, et à son responsable.

Dès lors, en cas de méconnaissance de ces règles, l’établissement en question pourrait se voir sanctionner par l’autorité en charge des pouvoirs de police de santé publique, de salubrité ou de sécurité publique.

Les sanctions vont du simple avertissement à la décision de fermeture administrative de l’établissement.

Notons que la décision de sanction doit être motivée et être précédée – sauf urgence particulière – d’une procédure contradictoire : le responsable de l’établissement doit en effet disposer en principe d’un délai suffisant pour répondre et formuler ses observations quant à la situation reprochée.

S’agissant de la décision de fermeture administrative, cette dernière peut être d’une durée de :
- 6 mois maximum en cas d’infractions aux lois et règlements relatifs aux débits de boisson : non-respect des heures d’ouverture, manquements à des règles d’hygiènes ou de sécurité ;
- 2 mois maximum (3 mois s’il s’agit d’un établissement de vente de boissons alcoolisées à emporter) en cas de manquements à l’ordre public, à la santé publique ou encore à la tranquillité publique ;
- 6 mois maximum et retrait de l’autorisation d’exploiter pour certains actes criminels ou délictueux.

A notre sens, le non-respect des règles sanitaires liées à la Covid-19 pourrait s’inscrire dans le premier cas de figure et particulièrement dans le deuxième cas de figure, les troubles causés constituant des atteintes à l’ordre public et à la santé publique.

Le non-respect de ces règles n’est donc pas sans conséquence, surtout pour des établissements de restauration et débits de boisson qui ont été fermés administrativement pendant plusieurs mois.

4) Quel recours possible ?

La décision de fermeture administrative doit être contestée dans un délai de deux mois suivant sa notification, soit auprès de l’autorité administrative, soit directement devant le tribunal administratif.

Cette dernière option apparaît opportune puisqu’elle permet en parallèle de saisir le tribunal, en urgence, afin de demander la suspension immédiate de la décision de fermeture et la réouverture de l’établissement (référé suspension).

De même, un référé-liberté, auprès toujours du tribunal administratif, peut également être engagé afin, là-encore, d’obtenir la suspension immédiate de la décision de fermeture et la réouverture de l’établissement.

Dans ce cadre, il s’agira alors de démontrer – preuves à l’appui – que la décision de fermeture est infondée et injustifiée : l’absence de motivation de la décision, le non-respect de la procédure contradictoire, une durée excessive ou disproportionnée de fermeture sans rapport avec les infractions constatées, l’absence de preuves des manquements reprochés, l’absence de justifications, ou encore l’incompétence de l’autorité qui a pris la décision.

Dans le même temps, notamment pour espérer obtenir une annulation ou une réduction de la sanction qui aurait été prise, il pourrait être invoqué l’atteinte que constitue cette mesure à la liberté du commerce et de l’industrie et à la liberté d’entreprendre ; il devrait en outre être apporté des éléments permettant de justifier que les mesures ont effectivement été prises afin de faire respecter les règles sanitaires.

Dans tous les cas, les restaurants, brasseries, bas et autres débits de boisson doivent se montrer particulièrement attentifs aux comportements de leurs clients et surtout aux éventuelles réprimandes formulées par l’administration quant à leur respect des règles sanitaires.

Baptiste Robelin – Avocat – Droit des affaires

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Déconfinement : Attention au non-respect des gestes barrières dans les restaurants et bars